Paris 1 Panthéon-Sorbonne adopte sa charte de la science ouverte. Entretien avec Anne Rousselet-Pimont, vice-présidente déléguée Bibliothèques et science ouverte
Le 24 octobre dernier, le Conseil d’administration a adopté la Charte de la science ouverte de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Anne Rousselet-Pimont, professeur à l’École de droit de la Sorbonne, membre de l’Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne (IRJS), vice-présidente déléguée Bibliothèques et science ouverte nous en dit plus.
La Charte est sous-titrée : « Ouvrir la science, une opportunité nécessaire ». N’y a-t-il pas une contradiction ? pourquoi ce sous-titre ?
Anne Rousselet-Pimont : Les politiques publiques européennes et nationales enjoignent aux chercheurs de respecter les principes de la science ouverte et conditionnent les financements à la diffusion sans entrave des résultats de la recherche. Il faut donc bien parler de nécessité. Mais l’approche que nous privilégions à Paris 1 Panthéon-Sorbonne considère plutôt la science ouverte et ses outils comme une formidable opportunité de repenser la manière de faire de la recherche scientifique. Il s’agit de redonner au chercheur la pleine maîtrise de son travail pour son propre bénéfice mais aussi celui de l’institution et de la collectivité académique. La science ouverte porte une réelle volonté de partage, de démocratisation et de transparence des savoirs envers la société. Or ces valeurs sont profondément inscrites dans l’identité de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Se doter d’une n’-ième charte était-il nécessaire ? qui lit encore les chartes ?
Anne Rousselet-Pimont : La Charte de la science ouverte adoptée par l’université n’est pas une n’-ième déclaration de principe dont personne ne tient compte. Elle n’est pas non plus un vœu ou un programme. C’est un engagement fort de la communauté académique dans son ensemble qui décide de se saisir des enjeux et de s’engager délibérément dans la voie de l’accessibilité et de l’ouverture des résultats de la recherche. Cette démarche volontariste a pour corollaire la mise en place d’une réflexion collective de fond sur le fonctionnement même de la recherche entre financements publics et financements privés.
Vous évoquez des engagements. La charte décline-t-elle des objectifs contraignants pour l’ensemble des équipes (chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants, personnels d’appui à la recherche) ?
Anne Rousselet-Pimont : L’université n’a pas retenu la voie de l’obligation. S’inscrire dans une stratégie de science ouverte à l’échelle d’un grand établissement pluridisciplinaire comme Paris 1 suppose une acculturation individuelle et collective, de l’accompagnement, de la pédagogie, de la formation, en un mot du temps long et de la volonté partagée. Les engagements, au nombre de 10, restent des incitations. Ce chemin nous a paru correspondre davantage à l’esprit de l’université, même si d’autres établissements en France ou en Europe ont préféré le caractère plus prescriptif.
Pouvez-vous détailler ces engagements ?
Anne Rousselet-Pimont : Ils ont trait classiquement au dépôt des publications scientifiques dans le portail institutionnel HAL Paris1 Panthéon-Sorbonne ; à la priorité donnée à la publication dans les revues diamant sans paiement de frais ; à l’adoption d’une démarche FAIR de gestion et d’ouverture des données de la recherche ; à l’ouverture des logiciels et des codes sources. Au-delà de la généralisation de pratiques déjà bien engagées sur ces quatre points, il s’agit également, à travers une politique d’identifiants uniques (PIDs), de rendre plus transparentes les données sur la recherche au sein du système d’information de l’université. Une réflexion est à engager sur les conséquences en termes d’évaluation, au bénéfice de l’utilisation de critères autant qualitatifs que quantitatifs et financiers. Enfin faire de la science avec et pour la société a été retenu comme second axe de la Charte. Cela pourra sembler original au regard d’une démarche classique. Cependant, inclure cet axe nous est apparu comme apte à fédérer toutes les énergies de la communauté dans la même direction.
Le chemin ne sera pas t-il long pour concrétiser ces engagements ?
Anne Rousselet-Pimont : La formulation de la question laisse à penser que la Charte est le lancement initial d’une dynamique et que tout reste à faire. Elle n’initie pas une nouvelle démarche mais vient appuyer, conforter et donner de la visibilité à une série d’actions concrètes et de réalisations déjà mises en place depuis plusieurs années. La Charte se veut aussi feuille de route et plan d’action stratégique en listant tout ce qui se fait déjà et tout ce qui pourra être réalisé à court, moyen ou long terme. Sa coloration est très pragmatique : c’est un document de cadrage auquel chaque membre de la communauté peut se référer pour adapter ses pratiques. J’invite donc toutes les équipes à en prendre connaissance, car nous sommes tous concernés dans nos activités quotidiennes. Chacun à Paris 1 peut contribuer, quelle que soit sa mission, à favoriser une science plus ouverte, plus intègre et plus participative, pour plus de partage des savoirs.
Qui se cache derrière les rédacteurs de cette Charte ?
Anne Rousselet-Pimont : L’élaboration de la Charte de la science ouverte s’est inscrite dans un processus collectif sur un temps volontairement long. Plusieurs réunions de cadrage autour des principaux Vice-Présidents concernés ont permis de définir l'économie générale de ce document dont la rédaction a ensuite été confiée au GTSO, groupe de travail science ouverte interservices et interbibliothèques que je pilote. Des relectures par des enseignants-chercheurs et personnels d’appui ont ensuite été effectuées avant une présentation à la commission de la recherche en présence des directeurs d’unités. Enfin la Charte a été soumise au vote du Conseil d’administration.
Vous parliez au cours de l’entretien de pédagogie, d’accompagnement, de formation, ce qui suppose de mobiliser des forces. Comment concrétiser cette volonté ?
Anne Rousselet-Pimont : L’idée qui prévaut dans la Charte est celle-ci : le chercheur ne doit pas porter seul la charge de l’ouverture de la science. Il doit être accompagné selon ses besoins et pouvoir à différents niveaux rencontrer des services d’appui dédiés. Dans cette perspective, il nous a paru essentiel de mettre en place une dynamique de réseau qui fédère les forces disponibles et les rende plus accessibles. Un réseau de référents HAL dans les unités de recherche complété par un réseau de correspondants science ouverte et données de la recherche est en voie de structuration. À l’échelle centrale, des services mutualisés ont vocation à apporter l’assistance nécessaire aux bonnes pratiques de la science ouverte. Je pense notamment à l’offre de service ENSO (Expertise numérique et science ouverte), guichet unique regroupant les expertises de plusieurs équipes et partenaires (DSIUN, DIREVAL, SERAC, Bibliothèques, MSH Mondes). Ce guichet accompagne les unités de l’université dans tous les aspects des projets de recherche ayant trait au numérique et à la science ouverte (données, logiciels, sites).
Où retrouver l’information et les adresses de contact science ouverte ?
Sur le site science-ouverte.pantheonsorbonne.fr